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Four norvégien, rôtir sa viande sans rotir la planète ?

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Introduction

Qui n’aime pas un bon agneau fondant qui a mijoté pendant des heures au four ? Pourtant, je ne sais pas vous, mais j’aime tout autant mon agneau cuisson lente que la nature, et je ne me vois pas faire de compromis sur mon repas pour baisser ma consommation énergétique ou mon émission carbone. C’est pourquoi les maths et la physique sont mes plus grandes alliées aujourd’hui. À partir de principes scientifiques, on peut cuisiner sans se sentir coupable grâce à la marmite norvégienne, qui existe depuis très, très longtemps.

On trouve les premières traces de cette marmite dans les années 1870 en Norvège (d’où son nom) ; les paysans mettaient leurs marmites dans des caisses remplies de paille. Ce mode de cuisson passive a été très répandu entre les deux guerres mondiales, avant d’être relégué aux oubliettes grâce à la baisse des prix de l’énergie et, en partie, à cause de son volume imposant et de son poids. Il faut ensuite attendre les années 2000 et le mouvement Négawatt, visant à réduire les consommations d’énergie des ménages, pour que la marmite norvégienne revienne au goût du jour.

Ainsi, le four norvégien permettrait-il de rôtir sa viande sans rôtir la planète ? Pour comprendre comment, nous verrons d’abord la consommation énergétique annuelle de la cuisson domestique en France, puis nous découvrirons le fonctionnement du four norvégien, avant de faire le calcul du refroidissement dans un four norvégien et son émission carbone.

Consommation énergétique de la cuisson domestique

On va d’abord aborder la consommation d’énergie annuelle moyenne d'un foyer pour la cuisson en France. Pour comprendre la nécessité de trouver des alternatives aux modes de cuisson actuels (four, micro-ondes, plaques chauffantes), il faut savoir que cette consommation se situe généralement aux alentours de 400 kWh. Nous prendrons en compte le four et les plaques, car leur utilisation peut être remplacée par le four norvégien, ce qui n'est pas le cas du micro-ondes.

  • Four : Environ 150 kWh
  • Plaques chauffantes (électriques) : Environ 160 kWh

Ces chiffres peuvent varier en fonction des habitudes de cuisson, du nombre de personnes dans le foyer et de l'efficacité des appareils utilisés.

Le fonctionnement du four norvégien

Le concept du four norvégien est très simple : cuire passivement un plat. Concrètement, une marmite norvégienne doit répondre à 3 points :

  • Réduire la convection, en empêchant la circulation de l’air. La convection est un des moyens de transmission de la chaleur par circulation d’un fluide (que ce soit un gaz ou un liquide).
  • Réduire la conduction, en isolant au maximum. La conduction est le transfert d’énergie thermique qui se produit entre deux corps en contact.
  • Réduire le rayonnement, en utilisant un réfléchissant. Le rayonnement thermique est le processus par lequel un objet émet de l'énergie sous forme d'ondes électromagnétiques en raison de sa température. Contrairement à la conduction et à la convection thermique, le rayonnement thermique ne nécessite pas de milieu matériel pour se propager.

En pratique, il suffit d’amorcer classiquement la cuisson (au four, sur le gaz ou sur une plaque électrique) pendant ¼ du temps de cuisson du four normal. Une fois que le contenu bout, on met le plat dans la marmite norvégienne. L’isolation de la marmite va permettre au contenu de cuire tranquillement, sans apport d’énergie supplémentaire : c’est pourquoi on dit que c’est une cuisson passive. On estime que la cuisson du four norvégien dure 1,5 fois plus de temps que pour le four normal.

Ne vous inquiétez pas ! Côté saveurs et textures, on retrouve les mêmes qu’avec une cuisson ‘normale’.

Construction d'un four norvégien

Pour construire son propre four, il faut 3 matériaux, de l’extérieur à l’intérieur :

  • Une couche en bois, pour la solidité et l’isolation.
  • Une couche en polystyrène pour l’isolation (ou du chanvre et du lin pour éviter les vapeurs toxiques lorsque le matériau est soumis à la chaleur).
  • Une couche en aluminium, pour la réverbération (c’est le principe des couvertures de survie) ; elle réfléchit les rayons infrarouges émis par l’agneau.

Attention : Ne comptez pas sur le four norvégien pour faire des grillades ou des poulets rôtis !

Modélisation du refroidissement et application

La loi de refroidissement de Newton

Maintenant, je vais m’appuyer sur la loi de refroidissement. Pour estimer la baisse de température dans un four norvégien, ce qui en théorie m’aurait permis de déterminer combien de temps la cuisson doit durer dans un four norvégien, par rapport à un four électrique. Malheureusement, je n’ai pas toutes les valeurs.

Cette loi, formulée par Isaac Newton, stipule que la vitesse de refroidissement d’un objet est directement proportionnelle à l’écart de température entre cet objet et son environnement.

La formule est la suivante :

dT/dt = -r(T - Text)
soit : dT/dt = -rT + rText

  • T : la température de mon agneau à l’instant t.
  • Text : celle de l’environnement.
  • r : une constante positive qui varie selon les propriétés matérielles, soulignant l’influence des caractéristiques physiques sur le refroidissement (puisque cette constante dépend de l’isolation du four).

Résolution de l’équation (discussion)

On a donc une équation de forme y’ = ay + b, et une solution de la forme y = Keax + c (où c est une constante). Ici, y’ est dT/dt, a = -r et x = t (temps).

Comme on ne connaît pas la constante des fuites thermiques 'r' (puisqu’elle dépend du four), je ne pourrai malheureusement pas estimer la vitesse de refroidissement de mon agneau dans le four norvégien. Cependant, plus les fuites thermiques sont basses (donc 'r' est petit), plus la chaleur est conservée. C’est pourquoi on s’est appliqué à utiliser 3 couches d’isolation.

On peut modéliser la loi de refroidissement du four norvégien par une exponentielle décroissante. Mais cette loi repose sur des hypothèses simplificatrices. Premièrement, elle suppose que le corps et l’environnement sont homogènes (même composition et caractéristiques physiques). Deuxièmement, elle considère que la température extérieure reste constante, ce qui n’est pas toujours le cas.

Exemple pratique de cuisson

Imaginons qu’avec un four normal il faille 4 heures pour cuire mon agneau. Avec un four norvégien, il me faudra 6 heures, car je rappelle que la cuisson norvégienne prend 1,5 fois plus de temps. Concrètement, je fais cuire mon agneau à 120°C pendant ¼ du temps de cuisson normale (soit 1 heure) au four normal, puis le reste du temps dans le four norvégien. On voit que l’énergie utilisée est bien inférieure à celle d’un four normal : ¼ de celle-ci. Pour chaque heure d’utilisation, le four électrique consomme 1 kWh. Donc, au lieu d’utiliser 4 kWh, j’en utilise seulement 1 kWh.

Estimation des émissions de CO2

Maintenant, nous allons estimer les émissions de CO2 lors de la cuisson de mon agneau au four norvégien pour connaître son impact environnemental.

En France, l'électricité est principalement produite par l'énergie nucléaire, une source d'énergie à faible teneur en carbone. Une estimation commune des émissions de CO2 à partir d'énergie nucléaire est d'environ 12 grammes de CO2 par kWh (g CO2/kWh). Cette estimation, faite par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), inclut toutes les étapes du cycle de vie du combustible nucléaire, de l'extraction de l'uranium au démantèlement des centrales.

On trouve d’autres valeurs qui s’appliquent à la France (et non au monde entier comme la valeur précédente) mais qui ne prennent pas toujours en compte toutes les étapes du cycle de vie du combustible nucléaire, c’est pourquoi je ne les ai pas choisies. Selon l’Agence de la transition écologique (ADEME), le nucléaire français émet environ 6 g de CO₂ par kWh. EDF, quant à lui, estime que ce chiffre est même inférieur, se situant en dessous de la barre des 4 g de CO₂ par kWh.

Je rappelle qu’on considère que le four consomme 1 kWh d'énergie électrique en 1 heure et que cette énergie est fournie par des centrales nucléaires. Les émissions de CO2 peuvent être calculées comme suit :

Émissions de CO2 = Consommation en kWh × Émissions de CO2 par kWh

Un four électrique qui fonctionne pendant 1 heure, consommant 1 kWh d'énergie fournie par une centrale nucléaire, émet environ 12 grammes de CO2. Pour mon agneau, cela signifie 12g de CO2 au lieu de 48 g pour 4 heures de cuisson complète au four électrique.

Si on reprend les valeurs du début (donc presque 300 kWh pour la cuisson domestique annuelle comprenant four et plaques chauffantes), on a une émission de CO2 de 3,6 kg par an (300 kWh * 12 g/kWh = 3600 g). Si on utilise le four norvégien, avec lequel la consommation énergétique représente ¼ de celle d’une cuisson traditionnelle, l’émission carbone annuelle descend à 900 g de CO2.

Juste pour vous donner un ordre d’idée : j’ai fait des recherches et, tous modèles confondus, une voiture émet environ 2,28 kg de CO2 par litre d’essence consommée, et consomme en moyenne 6,5 L d’essence pour 100 km. Donc, il suffit de parcourir environ 25 km en voiture (soit consommer ~1,6 L d’essence) pour émettre la même quantité de carbone (3,6 kg CO2) qu’avec l’utilisation annuelle des appareils de cuisson traditionnels. C’est là qu’on se rend compte que le problème principal ne vient pas forcément de nos habitudes de cuisson, mais cela ne diminue pas l'intérêt des économies possibles.

Conclusion

Finalement, aujourd’hui on a appris que j’avais un penchant pour l'agneau cuisson lente, mais surtout que le four norvégien est une très bonne alternative à la cuisson traditionnelle pour baisser nos émissions carbones et notre facture à la même occasion, puisqu’on divise par 4 la consommation énergétique nécessaire à la cuisson, grâce aux couches d’isolation.

Et l’avantage, c’est qu’on peut en fabriquer un nous-mêmes ; c’est une super activité à faire en famille ! Gare aux impatients et à ceux qui s’y prennent à la dernière minute, car comme la cuisson norvégienne est plus longue, il faut s’y prendre en avance. La seule limite de la marmite norvégienne est le paquet de pâtes "3 minutes" que je déconseille de cuire de cette manière : ce serait une trop grande perte de temps (porter à ébullition les pâtes pendant 45 secondes puis les laisser cuire 3 minutes 45 secondes dans la marmite).

Même si on a admis que les émissions carbone des appareils de cuisson modernes sont très basses en comparaison à celles des voitures, par exemple, il faut se souvenir que chaque geste compte. Si on s’y met tous, on peut espérer contribuer positivement face à la situation climatique.

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