Vue fiche unique

Le paradixe du singe savant

Présentation / Support Principal

Paradoxe du singe savant - Grand Oral

Le paradoxe du singe savant est un théorème selon lequel un singe qui tape indéfiniment et de manière indépendante sur les touches d’un clavier d’une machine à écrire pourra “presque sûrement” écrire un texte donné.

Commençons par préciser ce que l'on entend par “événements indépendants” (ici, les touches choisies successivement par le singe, qui sont censées être choisies “indépendamment” les unes des autres, c’est-à-dire que le choix de la lettre suivante ne dépend pas des lettres précédentes ; c'est le cas par exemple si le singe a une mémoire de poisson rouge). Deux événements sont dits indépendants si la probabilité pour que tous deux se produisent est égale au produit des probabilités pour que chaque événement se produise. Je m’explique, par exemple : si la probabilité pour qu’il pleuve sur Strasbourg un jour particulier est 0.4 et la probabilité que je vienne à pied au lycée un jour particulier est 0.9, alors la probabilité pour que tous les deux se produisent le même jour est égale à 0.3 × 0.9 = 0.27.

Supposons maintenant que la machine à écrire soit pourvue de 50 touches (les lettres mais aussi les ponctuation et le caractère spéciaux), et que le mot à taper soit « banane ». En tapant au hasard, il y a une chance sur 50 que la première lettre tapée soit b ; de même, il y a une chance sur 50 que la deuxième lettre tapée soit a, et ainsi de suite. Ces événements sont indépendants, et ainsi la probabilité que les six lettres du mot « banane » soient tapées est de (1/50)6. Pour la même raison, il y a à nouveau une chance sur 506 que les six lettres suivantes soient celles du mot “banane”, et ainsi de suite.

La probabilité de ne pas taper « banane » dans un de ces blocs consécutifs de 6 lettres est de 1 − (1/50)6. Comme chaque bloc est tapé indépendamment, la probabilité Pn qu'il n'y ait pas « banane » parmi les n premiers blocs de 6 lettres est Pn = (1 − (1/50)6)n.

Quand n devient très grand, Pn se rapproche de 0 (c'est une suite géométrique). Pour un entier n égal à un million, Pn est égal à 0.9999, or la probabilité Pn est compris entre 1 et 0, donc la suite décroit, donc pour un n égal à 10 milliards, Pn vaut 0.53 et pour un n égal à 100 milliards, il vaut 0,0017. La probabilité Pn tend vers zéro quand n devient infini. Ainsi, la probabilité que le singe n'ait pas tapé « banane » après 6n frappes est toujours plus petite que Pn (Pn est la probabilité que le singe n'ait pas tapé « banane » dans un des blocs consécutifs de 6 lettres; si par exemple le singe commence en tapant « abanane », il a effectivement tapé “banane”, mais il n'a pas tapé “banane” dans un des blocs qu'on a considérés). Comme Pn tend vers 0, en passant à la limite, on trouve : La probabilité que le singe ne tape jamais “banane” vaut 0. C'est dire que, presque sûrement, le singe tape le mot « banane » à un moment. (On peut même dire qu'il tape le mot “banane” dans un de nos blocs de 6 caractères.)

L'argument précédent reste valable pour toute chaîne de caractères finie, et pour toute taille de clavier.

Pourquoi dire “presque sûrement” alors que l'événement est de probabilité égale à 1 ? Comment un événement possible peut-il être de probabilité nulle ? Il y a une subtilité due au fait que l'ensemble des résultats possibles (ici l'ensemble de toutes les chaînes de caractères infinies) est infini. Ainsi par exemple, l'événement “le singe ne tape que des "a"” fait partie des événements possibles, mais est de probabilité nulle, tout comme l'événement “le singe ne tape jamais le mot "banane"”, comme on vient de le voir.

Comme le dit Martin HAIRER (Mathématicien Anglo-Autrichiens) : pour que le singe écrive au moins une page d’une pièce de Shakespeare, il faudra attendre qu’il saisisse au moins 10 puissance 4000 caractères. Or, si l’on voulait représenter l’âge de l’Univers, ce nombre ne serait que de 1018, ce qui paraît, en regard, insignifiant. C’est un nombre que l’on peut certes écrire, mais qui est infini en pratique. Cela pose la question des ordres de grandeur.

Le théorème illustre les dangers de raisonner sur l'infini en imaginant un très grand nombre, mais fini, et vice versa. La probabilité qu'un singe tape avec exactitude un ouvrage complet comme Hamlet de Shakespeare est si faible que la chance que cela se produise au cours d'une période de temps de l'ordre de l'âge de l'univers est minuscule, bien que non nulle.

Moyenne des évaluations  -